Page:Murger - Les Nuits d’hiver, 1861.djvu/283

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Quand on lisait à Rivarol un éloge de quelque grand maître comme Corneille ou Molière, il ne pouvait s’empêcher de dire : « Voilà qui est fort beau, mais il y a des longueurs. — Vous feriez des coupures ? lui demandait-on. — Oui, répondait-il, je me contenterais d’écrire : L’un s’appelait Molière, ou l’autre s’appelait Corneille. »

Bienheureux est le poëte qui n’a pas besoin d’autre éloge, parce que son œuvre parle aussi haut que son nom. Ce n’est pas seulement l’histoire des plus grands, c’est l’histoire de quelques rares esprits des régions tempérées, comme l’abbé Prévost, qui ont eu l’art ou plutôt le don de créer une figure immortelle. Certes, Manon Lescaut ne s’élève pas à la taille des Camille et des Alceste, mais en est-elle moins humaine et vivra-t-elle moins longtemps dans le monde poétique ?

Il s’appelait Henry Murger ! N’est-ce pas son éloge en un seul mot ? n’est-ce pas dire toute son œuvre et toute sa vie ? Combien de grands noms académiques, combien de soleils factices vont aller s’effaçant de jour en jour devant ce nom tout simple, devant cette petite étoile qui jettera toujours son rayon sympathique dans le ciel