pagne sur les lèvres, avant que Laure eût pu faire résistance.
— Oh ! Monsieur, exclama-t-elle, vous allez trop vite.
— C’est pour arriver plus tôt, dit Rodolphe. En amour les premiers relais doivent être franchis au galop.
— Drôle de corps ! pensa la modiste en rentrant chez elle.
— Jolie personne ! disait Rodolphe en s’en allant.
Rentré chez lui, il se coucha à la hâte, et fit les rêves les plus doux. Il se vit ayant à son bras, dans les bals, dans les théâtres et aux promenades, mademoiselle Laure vêtue de robes plus splendides que celles ambitionnées par la coquetterie de Peau-d’Âne.
Le lendemain à onze heures, selon son habitude, Rodolphe se leva. Sa première pensée fut pour mademoiselle Laure.
— C’est une femme très-bien, murmura-t-il ; je suis sûr qu’elle a été élevée à Saint-Denis. Je vais donc enfin connaître le bonheur d’avoir une maîtresse qui ne soit pas grêlée. Décidément, je ferai des sacrifices pour elle, je m’en vais toucher mon argent à l’Écharpe d’Iris, j’achèterai des gants et je mènerai Laure dîner dans un restaurant où on donne des serviettes. Mon habit n’est pas très-beau, dit-il en se vêtant… ! ; mais, bah ! Le noir, ça habille si bien !
Et il sortit pour se rendre au bureau de l’Écharpe d’Iris. En traversant la rue, il rencontra un omnibus sur les panneaux duquel était collée une affiche où on lisait :
Le tonnerre tombant aux pieds de Rodolphe ne lui aurait pas causé une impression plus profonde que la vue de cette affiche.
— Aujourd’hui dimanche ! je l’avais oublié, s’écria-t-il, je ne pourrai pas trouver d’argent. Aujourd’hui dimanche !!! Mais tout ce qu’il y a d’écus à Paris est en route pour Versailles.
Cependant, poussé par un de ces espoirs fabuleux auquel l’homme s’accroche toujours, Rodolphe courut à son journal, comptant qu’un bienheureux hasard y aurait amené le caissier.