n’oubliez pas la cicatrice au pouce. Je veux une main vivante.
— Elle sera parlante, Madame, soyez tranquille, fit Marcel en reconduisant la veuve. Mais, au moment de sortir, celle-ci revint sur ses pas.
— J’ai encore un renseignement à vous demander, monsieur le peintre ; je voudrais faire écrire sur la tombe de mon mari une machine en vers, où on raconterait sa bonne conduite et les dernières paroles qu’il a prononcées à son lit de mort. Est-ce distingué ?
— C’est très-distingué, on appelle ça une épitaphe, c’est très-distingué !
— Vous ne connaîtriez pas quelqu’un qui pourrait me faire cela à bon marché ? Il y a bien mon voisin, M. Guérin, l’écrivain public, mais il me demande les yeux de la tête.
Ici Rodolphe lança un coup d’œil à Marcel, qui comprit sur-le-champ.
— Madame, dit l’artiste en désignant Rodolphe, un hasard heureux a amené ici la personne qui peut vous être utile en cette douloureuse circonstance. Monsieur est un poëte distingué, et vous ne pourriez mieux trouver.
— Je tiendrais à ce que ce soit très-triste, dit la veuve, et que l’orthographe fût bien mise.
— Madame, répondit Marcel, mon ami sait l’orthographe sur le bout du doigt : au collége, il avait tous les prix.
— Tiens, dit la veuve, mon neveu a eu aussi un prix ; il n’a pourtant que sept ans.
— C’est un enfant bien précoce, répliqua Marcel.
— Mais, dit la veuve en insistant, Monsieur sait-il faire des vers tristes ?
— Mieux que personne, Madame, car il a eu beaucoup de chagrins dans sa vie. Mon ami excelle dans les vers tristes, c’est ce que les journaux lui reprochent toujours.
— Comment ! s’écria la veuve, on parle de lui dans les journaux ! alors, il est bien aussi savant que M. Guérin, l’écrivain public.
— Oh ! bien plus ! Adressez-vous à lui, Madame, vous ne vous en repentirez pas.
Après avoir expliqué au poëte le sens de l’inscription