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Page:Murger - Scènes de la vie de bohème, Lévy, 1871.djvu/50

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SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

que le portier avait l’habitude de le faire attendre. La porte s’ouvrit enfin, et le père Durand, plongé dans les douceurs du premier sommeil, et ne se rappelant pas que Schaunard n’était plus son locataire, ne se dérangea aucunement quand celui-ci lui eut crié son nom par le vasistas.

Quand ils furent arrivés tous trois en haut de l’escalier, dont l’ascension avait été aussi longue que difficile, Schaunard, qui marchait en avant, jeta un cri d’étonnement en trouvant la clef sur la porte de sa chambre.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Rodolphe.

— Je n’y comprends rien, murmura-t-il, je trouve sur ma porte la clef que j’avais emportée ce matin. Ah ! nous allons bien voir. Je l’avais mise dans ma poche. Eh ! parbleu ! la voilà encore ! s’écria-t-il en montrant une clef.

— C’est de la magie !

— De la fantasmagorie, dit Colline.

— De la fantaisie, ajouta Rodolphe.

— Mais, reprit Schaunard, dont la voix accusait un commencement de terreur, entendez-vous ?

— Quoi ?

— Quoi ?

— Mon piano, qui joue tout seul, ut, la mi ré do, la si sol ré. Gredin de , va ! Il sera toujours faux.

— Mais ce n’est pas chez vous, sans doute, lui dit Rodolphe, qui ajouta bas à l’oreille de Colline sur qui il appuya lourdement, il est gris.

— Je le crois. D’abord, ce n’est pas un piano, c’est une flûte.

— Mais, vous aussi, vous êtes gris, mon cher, répondit le poëte au philosophe, qui s’était assis sur le carré. C’est un violon.

— Un vio… Peuh ! Dis donc, Schaunard, bredouilla Colline en tirant son ami par les jambes, elle est bonne, celle-là ! voilà Monsieur qui prétend que c’est un vio…

— Sacrebleu ! s’écria Schaunard au comble de l’épouvante, mon piano joue toujours ; c’est de la magie !

— De la fantasma… gorie, hurla Colline en laissant tomber une des bouteilles qu’il tenait à la main.

— De la fantaisie, glapit à son tour Rodolphe.

Au milieu de ce charivari, la porte de la chambre s’ouvrit