Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/137

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il me fallait bien un Molière, je l’ai acheté avec mes trois francs, et puis j’ai confessé mes crimes. — Pourquoi donc mademoiselle Rabut s’en va-t-elle ? Bonsoir, mademoiselle.

Les trois quarts des ennuyeux, s’ennuyant, font comme mademoiselle Rabut. La servante revient, apportant les bagues et les bracelets oubliés. On les met sur la table ; les deux bracelets sont magnifiques : ils valent bien quatre ou cinq mille francs. Ils sont accompagnés d’une couronne en or et du plus grand prix. Tout cela carambole sur la table avec la salade, les épinards et les cuillers d’étain. Pendant ce temps, frappé de l’idée du ménage, de la cuisine, des lits à faire et des fatigues de la vie nécessiteuse, je regarde les mains de Rachel, craignant quelque peu de les trouver laides ou gâtées. Elles sont mignonnes, blanches, potelées et effilées comme des fuseaux. — Ce sont de vraies mains de princesse.

Sarah, qui ne mange pas, continue de gronder en allemand. Il est bon de savoir qu’elle avait fait, le matin, je ne sais quelle escapade, un peu trop loin de l’aile maternelle, et qu’elle n’avait obtenu son pardon et sa place à table qu’à la prière répétée de sa sœur.

Rachel, répondant aux grogneries allemandes.

Tu m’ennuies. Je veux raconter ma jeunesse, moi. Je me souviens qu’un jour je voulais faire du punch dans une de ces cuillers d’étain.