Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/147

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tableau de la vie d’artiste et du chapitre de Wilhelm Meister, dont l’image s’était gravée si profondément dans l’imagination du poète. Le fragment de tragédie de la Servante du roi, écrit en juillet 1839, se rattache évidemment à l’épisode pittoresque du souper. Le rapprochement des dates, le choix du sujet, le titre de l’ouvrage, tout s’accorde pour démontrer la corrélation d’idées qui existe entre ces deux morceaux, malgré les disparates énormes de l’exécution, malgré la distance qui sépare un calque fidèle et la réalité d’avec une œuvre d’art du genre le plus sévère. Ces rencontres se présentent souvent dans la vie des grands maîtres : c’est ainsi que Léonard de Vinci puisa quelquefois dans les dessins capricieux d’une table de marbre les sujets de vastes compositions.

Le plan de la Servante du roi n’a pas été écrit ; mais Grégoire de Tours, Augustin Thierry et Sismondi en contiennent la substance. Selon toute probabilité, on voyait, dans les trois premiers actes, Frédégonde s’introduisant dans la maison d’Audovère, première femme de Chilpéric, gagnant par sa coquetterie et sa fausse modestie les bonnes grâces et le cœur du roi, réussissant à force d’intrigues à faire répudier la reine, se croyant près de saisir la couronne ; puis, trompée dans ses espérances par le second mariage de Chilpéric avec Galsuinde, cédant a l’amour du roi, devenant la maîtresse avouée de ce prince faible, et abreuvant la nouvelle reine de dégoûts et d’humiliations. Au commencement du quatrième acte, Galsuinde a résolu de quitter furtivement la cour et de retourner chez son père. Frédégonde, informée de ce projet d’évasion, délibère pour savoir si elle doit laisser fuir la reine, on si elle a plus d’intérêt à la faire mourir. Tel est le sujet de la scène suivante.