Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/185

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Lorédan.

Soyez le bienvenu, marquis. Mettez votre main dans celle-ci, ni plus ni moins que si c’était la patte du lion de Saint-Marc en personne. Vous avez raison d’aimer vos amis.

Visconti.

De tout mon cœur… Jamais le lion de Saint-Marc ne fut plus grand qu’en ce moment. Pendant qu’il extermine les Génois à vos portes, ses pavillons couvrent toutes les mers, et, bien qu’on le voie immobile, le monde entier sait qu’il a des ailes.

Lorédan.

Vous savez que, pour un Vénitien, il n’y a pas de meilleur compliment que ceux qu’on adresse à Venise… Ah ça, dites-moi, êtes-vous las ? vous avez fait le chemin cette nuit ?

Visconti.

Oui, si court que soit un voyage, la fraîcheur de la nuit me plaît… Ce n’est pas, il est vrai, la coutume ; mais le soleil et la poussière me gâtent les plus belles routes.

Lorédan.

Cela est fort incommode, en effet.

Visconti.

Et, par un brillant clair de lune, notre belle Italie endormie me semble encore plus belle qu’éveillée.

Lorédan.

J’ai remarqué cela, et aussi que, la nuit, les gens de