Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/323

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n’est pas possible d’être plus sanguinaire. — Et je crois aussi qu’il est bien difficile de s’ennuyer plus cordialement que moi, hier, sur cette infernale avenue de Paris, qui faisait certainement exprès de s’allonger devant moi, comme le nez de Pantalon dans les Pilules du Diable. Marraine, je vous en prie, dites un Pater pour moi, car j’en vais faire une maladie quelconque. Et concevez-vous cette personne (je ne peux décidément pas la nommer) qui m’empêche de boire du vin pur, sous le prétexte que je tousse, et qui m’applique sur le cœur un cataplasme de cent mille coups d’épingle ? Comme c’est rafraîchissant ! on n’aurait qu’à l’aimer tout de bon ! qui sait ? on serait à un joli régime du sirop de groseille, et la torture !

Marraine, je commence à m’ennuyer, même de grogner. Si je perds cette ressource, il n’y aura plus qu’à jeter des fleurs sur ma tombe. Tâchez d’y jeter un petit vergiss-mein-nicht, et soyez sûre qu’il y poussera.

Yours.
Alf. M.
Mardi (26 juillet 1842).

Cette lettre fut communiquée à la personne que l’auteur n’a pas voulu nommer. La réponse de la marraine commence par ces mots : « Il vous est pardonné, parce que vous avez bien plaisanté. » La querelle n’eut pas d’autre suite, et Alfred de Musset retourna à Versailles.