Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/36

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la situation compliquée où elle se trouvait, l’amant devait être infailliblement sacrifié. Deux ans plus tard, le héros de ce roman a raconté lui-même comment s’opéra la brusque séparation d’Emmeline et de Gilbert. Les détails en sont rapportés avec assez d’exactitude, hormis à la dernière ligne, où il est dit que Gilbert partit pour un long voyage, parce que l’exécution de cette clause rigoureuse ne fut point exigée.

Cette aventure s’était dénouée avec une précipitation foudroyante. Aux émotions et péripéties succédaient tout à coup le calme plat et la solitude. Alfred resta comme étourdi de son malheur ; mais son abattement ne dura qu’un instant. Cette fois, il n’était aux prises qu’avec le Devoir, qui n’interdit pas les plaintes pourvu qu’on s’incline devant lui. Fort heureusement, il n’est pas toujours vrai que « la bouche garde le silence quand le cœur parle ». Le premier cri arraché par cette nouvelle blessure est la Nuit de décembre, qui ne fait point suite, comme on le voit, à la Nuit de mai et prend sa source dans des sentiments d’un ordre bien différent.

La Confession d’un enfant du siècle, restée sur le chantier, n’en était encore qu’à la rencontre d’Octave et de Brigitte. L’auteur avait commencé cet ouvrage avec l’intention de conclure par l’accord des deux amants, afin de montrer le héros guéri de sa première blessure par un nouvel amour. Mais des impressions toutes fraîches dont il avait le cœur plein l’invitaient à pousser les choses plus loin. La matière n’était point épuisée. Du souvenir d’une querelle d’amoureux qui lui avait laissé des remords exagérés, il tira un riche sujet d’étude, dont les développements remplissent