Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/157

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qui se ressemblent ? En vérité, je ne saurais aimer cette femme comme toi, Octave, tu l’aimerais, ou comme j’en aimerais une autre. Qu’est-ce donc pourtant que tout cela ? deux yeux bleus, deux lèvres vermeilles, une robe blanche et deux blanches mains. Pourquoi ce qui te rendrait joyeux et empressé, ce qui t’attirerait, toi, comme l’aiguille aimantée attire le fer, me rend-il triste et immobile ? Qui pourrait dire : ceci est gai ou triste ? La réalité n’est qu’une ombre. Appelle imagination ou folie ce qui la divinise. — Alors la folie est la beauté elle-même. Chaque homme marche enveloppé d’un réseau transparent qui le couvre de la tête aux pieds ; il croit voir des bois et des fleuves, des visages divins, et l’universelle nature se teint sous ses regards des nuances infinies du tissu magique. Octave ! Octave ! viens à mon secours.

Octave.

J’aime ton amour, Cœlio ! il divague dans ta cervelle comme un flacon syracusain. Donne-moi la main ; je viens à ton secours ; attends un peu. L’air me frappe au visage, et les idées me reviennent. Je connais cette Marianne ; elle me déteste fort, sans m’avoir jamais vu. C’est une mince poupée qui marmotte des Ave sans fin.

Cœlio.

Fais ce que tu voudras, mais ne me trompe pas, je t’en conjure ; il est aisé de me tromper ; je ne sais pas me défier d’une action que je ne voudrais pas faire moi-même.