Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/221

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Le Roi.

Pourquoi ne l’ai-je pas encore vue aujourd’hui ? Est-elle triste ou gaie de ce mariage qui s’apprête ?

Rutten.

Il m’a paru que le visage de la princesse était voilé de quelque mélancolie. Quelle est la jeune fille qui ne rêve pas la veille de ses noces ? La mort de Saint-Jean l’a contrariée.

Le Roi.

Y penses-tu ? La mort de mon bouffon ! d’un plaisant de cour bossu et presque aveugle !

Rutten.

La princesse l’aimait.

Le Roi.

Dis-moi, Rutten, tu as vu le prince ; quel homme est-ce ? Hélas ! je lui donne ce que j’ai de plus précieux au monde, et je ne le connais point.

Rutten.

Je suis demeuré fort peu de temps à Mantoue.

Le Roi.

Parle franchement. Par quels yeux puis-je voir la vérité, si ce n’est par les tiens ?

Rutten.

En vérité, sire, je ne saurais rien dire sur le caractère et l’esprit du noble prince.

Le Roi.

En est-il ainsi ? Tu hésites, toi, courtisan ! De combien d’éloges l’air de cette chambre serait déjà rempli, de