Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/231

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Fantasio.

Pas du tout ; mon imagination se remplira de pirouettes et de souliers de satin blanc ; il y aura un gant à moi sur la banquette du balcon depuis le premier janvier jusqu’à la Saint-Sylvestre, et je fredonnerai des solos de clarinette dans mes rêves, en attendant que je meure d’une indigestion de fraises dans les bras de ma bien-aimée. Remarques-tu une chose, Spark ? c’est que nous n’avons point d’état ; nous n’exerçons aucune profession.

Spark.

C’est là ce qui t’attriste ?

Fantasio.

Il n’y a point de maître d’armes mélancolique.

Spark.

Tu me fais l’effet d’être revenu de tout.

Fantasio.

Ah ! pour être revenu de tout, mon ami, il faut être allé dans bien des endroits.

Spark.

Eh bien donc ?

Fantasio.

Eh bien donc ! où veux-tu que j’aille ? Regarde cette vieille ville enfumée ; il n’y a pas de places, de rues, de ruelles où je n’aie rôdé trente fois ; il n’y a pas de pavés où je n’aie traîné ces talons usés, pas de maisons où je ne sache quelle est la fille ou la vieille femme dont la tête stupide se dessine éternellement à