Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/258

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Altesse, permettez à un fidèle serviteur de votre futur époux de vous offrir les félicitations sincères que son cœur humble et dévoué ne peut contenir en vous voyant. Heureux les grands de la terre ! ils peuvent vous épouser, moi je ne le puis pas ; cela m’est tout à fait impossible ; je suis d’une naissance obscure ; je n’ai pour tout bien qu’un nom redoutable à l’ennemi ; un cœur pur et sans tache bat sous ce modeste uniforme ; je suis un pauvre soldat criblé de balles des pieds à la tête ; je n’ai pas un ducat ; je suis solitaire et exilé de ma terre natale comme de ma patrie céleste, c’est-à-dire du paradis de mes rêves ; je n’ai pas un cœur de femme à presser sur mon cœur ; je suis maudit et silencieux.

Elsbeth.

Que me voulez-vous, mon cher monsieur ? Êtes-vous fou, ou demandez-vous l’aumône ?

Le Prince.

Qu’il serait difficile de trouver des paroles pour exprimer ce que j’éprouve ! Je vous ai vue passer toute seule dans cette allée ; j’ai cru qu’il était de mon devoir de me jeter à vos pieds, et de vous offrir ma compagnie jusqu’à la poterne.

Elsbeth.

Je vous suis obligée ; rendez-moi le service de me laisser tranquille.

Elle sort.