Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/336

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Camille.

J’ai eu tort de parler ; j’ai ma vie entière sur les lèvres. Ô Perdican ! ne raillez pas, tout cela est triste à mourir.

Perdican.

Pauvre enfant, [je te laisse dire, et j’ai bien envie de répondre un mot.] Tu me parles d’une religieuse qui me paraît avoir eu sur toi une influence funeste ; tu dis qu’elle a été trompée, qu’elle a trompé elle-même et qu’elle est désespérée. Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui tendre la main [à travers la grille du parloir,] elle ne lui tendrait pas la sienne ?

Camille.

Qu’est-ce que vous dites. J’ai mal entendu.

Perdican.

Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui dire de souffrir encore, elle répondrait non ?

Camille.

Je le crois.

Perdican.

Il y a deux cents femmes dans ton monastère, et la plupart ont au fond du cœur des blessures profondes ; elles te les ont fait toucher, et elles ont coloré ta pensée virginale des gouttes de leur sang. Elles ont vécu, n’est-ce pas ? et elles t’ont montré avec horreur la route de leur vie ; tu t’es signée devant leurs cicatrices, comme devant les plaies de Jésus ; elles t’ont fait une