Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Eysenach, c’est donc à la mort que tu marches ?… Ah ! la mienne aussi est certaine…

Elle se penche à la fenêtre.

Razetta se promène lentement sur le rivage !… Il ne peut me manquer… Allons !… Prenons cependant assez de force pour cacher ce que j’éprouve… Il le faut… Voici l’instant.

Se regardant.

Dieu, que je suis pâle ! mes cheveux en désordre…

Le prince entre par le fond ; il a à la main un portrait ; il s’avance lentement, en considérant tantôt l’original, tantôt la copie.
Le Prince.

Parfait.

Laurette se retourne et demeure interdite.

Et cependant comme en tout l’art est constamment au-dessous de la nature, surtout lorsqu’il cherche à l’embellir ! La blancheur de cette peau pourrait s’appeler de la pâleur ; ici je trouve que les roses étouffent les lis. — Ces yeux sont plus vifs, — ces cheveux plus noirs. — Le plus parfait des tableaux n’est qu’une ombre : tout y est à la surface ; l’immobilité glace ; l’âme y manque totalement ; c’est une beauté qui ne passe pas l’épiderme. D’ailleurs ce trait même à gauche…

Laurette fait quelques pas. Le prince ne cesse pas de la regarder.

Il n’importe : je suis content de Grimm ; je vois qu’il ne m’a pas trompé.

Il s’assoit.

Ce petit palais est très gentil : on m’avait dit que