Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/36

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Le Prince.

Vous tremblez ?

Il lui prend la main.

Reposez-vous sur ce sofa. Je vous supplie de répondre à ma question.

Laurette.

Votre Excellence me pardonnera : je ne chercherai pas à lui cacher que je souffre… un peu ;… elle voudra bien ne pas s’étonner…

Le Prince.

Voici du vinaigre excellent.

Il lui donne sa cassolette.

Vous êtes bien jeune, madame ; et moi aussi. Cependant, comme les romans ne me sont pas défendus, non plus que les comédies, les tragédies, les nouvelles, les histoires et les mémoires, je puis vous apprendre ce qu’ils m’ont appris. Dans tout morceau d’ensemble, il y a une introduction, un thème, deux ou trois variations, un andante et un presto. À l’introduction, vous voyez les musiciens encore mal se répondre, chercher à s’unir, se consulter, s’essayer, se mesurer ; le thème les met d’accord ; tous se taisent ou murmurent faiblement, tandis qu’une voix harmonieuse les domine ; je ne crois pas nécessaire de faire l’application de cette parabole. Les variations sont plus ou moins longues, selon ce que la pensée éprouve : mollesse ou fatigue. Ici, sans contredit, commence le chef-d’œuvre ; l’andante, les yeux humides de pleurs, s’avance lentement, les mains s’u-