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ACTE I, SCÈNE II.

Le marchand.

Un verre de vin est de bon conseil, père Mondella. Entrez donc dans ma boutique que je vous montre une pièce de velours.

L’orfèvre.

Oui, de bon conseil et de bonne mine, voisin ; un bon verre de vin vieux a une bonne mine au bout d’un bras qui a sué pour le gagner ; on le soulève gaiement d’un petit coup, et il s’en va donner du courage au cœur de l’honnête homme qui travaille pour sa famille. Mais ce sont des tonneaux sans vergogne, que tous ces godelureaux de la cour. À qui fait-on plaisir en s’abrutissant jusqu’à la bête féroce ? À personne, pas même à soi, et à Dieu encore moins.

Le marchand.

Le carnaval a été rude, il faut l’avouer ; et leur maudit ballon m’a gâté de la marchandise pour une cinquantaine de florins[1]. Dieu merci ! les Strozzi l’ont payé.

L’orfèvre.

Les Strozzi ! Que le ciel confonde ceux qui ont osé porter la main sur leur neveu ! Le plus brave homme de Florence, c’est Philippe Strozzi.

Le marchand.

Cela n’empêche pas Pierre Strozzi d’avoir traîné son

  1. C’était l’usage au carnaval de traîner dans les rues un énorme ballon qui renversait les passants et les devantures des boutiques. Pierre Strozzi avait été arrêté pour ce fait. (Note de l’auteur.)