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ACTE I, SCÈNE II.

à propos de prendre une des colonnes dont je vous parle, à savoir celle de la famille des Médicis, et d’en faire un clocher, lequel clocher a poussé comme un champignon de malheur dans l’espace d’une nuit. Et puis, savez-vous, voisin ? comme l’édifice branlait au vent, attendu qu’il avait la tête trop lourde et une jambe de moins, on a remplacé le pilier devenu clocher par un gros pâté informe fait de boue et de crachat, et on a appelé cela la citadelle : les Allemands se sont installés dans ce maudit trou comme des rats dans un fromage, et il est bon de savoir que, tout en jouant aux dés et en buvant leur vin aigrelet, ils ont l’œil sur nous autres. Les familles florentines ont beau crier, le peuple et les marchands ont beau dire, les Médicis gouvernent au moyen de leur garnison ; ils nous dévorent comme une excroissance vénéneuse dévore un estomac malade ; c’est en vertu des hallebardes qui se promènent sur la plate-forme, qu’un bâtard, une moitié de Médicis, un butor que le ciel avait fait pour être garçon boucher ou valet de charrue, couche dans le lit de nos filles, boit nos bouteilles, casse nos vitres ; et encore le paye-t-on pour cela.

Le marchand.

Peste ! peste ! comme vous y allez ! Vous avez l’air de savoir tout cela par cœur ; il ne ferait pas bon dire cela dans toutes les oreilles, voisin Mondella.

L’orfèvre.

Et quand on me bannirait comme tant d’autres ! On