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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/257

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Le marquis.

L’amour vous a rendu la raison ? Ah, morbleu ! prouvez-nous cela ! Mais ce serait à en devenir fou, rien que pour tâcher de se guérir de la sorte. Vous l’aimez donc beaucoup, ce monsieur de… de…, vous ne m’avez pas dit…

Bettine.

Si je l’aime ! ah ! mon cher ami, que les mots sont froids, insignifiants, que la parole est misérable quand on veut essayer de dire combien l’on aime ! Vous n’avez pas l’idée de notre bonheur, vous ne pouvez pas vous en douter.

Le marquis.

Si fait, si fait, pardonnez-moi.

Bettine.

C’est tout un roman que ma vie. Ne disiez-vous pas tout à l’heure que vous aviez eu quelquefois l’envie de m’enlever ?

Le marquis.

Oui, le diable m’emporte !

Bettine.

Eh bien ! il l’a fait, lui. Figurez-vous, mon cher, quel charme inexprimable ! Nous avons tout quitté, nous sommes partis ensemble, en chaise de poste, comme deux oiseaux dans l’air, sans regarder à rien, sans songer à rien ; j’ai rompu tous mes engagements, et lui m’a sacrifié toute sa carrière ; j’ai désespéré tous mes directeurs…