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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/310

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Bettine.

Mais ce que je puis et ce que je veux vous dire, tout de suite et sans hésiter, c’est qu’au milieu des chagrins que j’éprouve et de toute l’horreur qui m’accable, à cet instant où mon cœur est brisé par un abandon si cruel et une trahison si basse, vos paroles viennent d’y exciter une émotion qui m’est bien douce. Et pourquoi vous le cacherais-je ? oui, Stéfani, je suis heureuse de voir que ce monde n’est pas encore désert, et que, si le mensonge et la perfidie peuvent quelquefois s’y rencontrer, on y peut aussi trouver sur sa route la main fidèle d’un ami. Je le savais, mais j’allais l’oublier. Vous m’en avez fait souvenir,… voilà ce dont je vous remercie.

Le marquis.

Et vous pourriez douter qu’on vous aime !

Bettine.

Non, je crois ce que vous me dites ; mais il y a une réflexion que vous n’avez pas faite. Savez-vous bien à qui vous parlez ?

Le marquis.

À la plus charmante femme que je connaisse.

Bettine.

Considérez ceci, marquis : je suis tout fait désespérée. Le coup que je viens de recevoir est si imprévu, si inconcevable, qu’il m’a d’abord anéantie. Maintenant que ma raison se réveille peu à peu, je cherche comment je pourrais continuer de vivre, et, en vérité, je ne le vois pas.