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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/386

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Le Roi.

Voilà un singulier roman.

Minuccio.

Depuis ce jour, elle est tombée dans une mélancolie profonde, car celui qu’elle aime ne peut lui appartenir. [Il est marié à une femme… la plus belle, la meilleure, la plus séduisante qui soit peut-être dans ce royaume, et il trouve une maîtresse dans une épouse fidèle.] La pauvre dédaignée ne s’abuse pas, elle sait que sa folle passion doit rester cachée dans son cœur ; [elle s’étudie incessamment à ce que personne n’en pénètre le secret ; elle évite toute occasion de revoir l’objet de son amour ; elle se défend même de prononcer son nom ;] mais l’infortunée a perdu le sommeil, sa raison s’affaiblit, une langueur mortelle la fait pâlir de jour en jour ; [elle ne veut pas parler de ce qu’elle aime, et elle ne peut penser à autre chose ; elle refuse toute consolation, toute distraction ; elle repousse les remèdes que lui offre un père désolé, elle se meurt, elle se consume, elle se fond comme la neige au soleil.] Enfin, sur le bord de la tombe, la douleur l’oblige à rompre le silence. Son amant ne la connaît pas, il ne lui a jamais adressé la parole, peut-être même ne l’a-t-il jamais vue ; elle ne veut pas mourir sans qu’il sache pourquoi, et elle se décide à lui écrire ainsi :

Il lit :

Va dire, Amour, ce qui cause ma peine,
À monseigneur, que je m’en vais mourir,