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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/412

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sa force ? Si elle a un métier, fût-ce le plus dur, celui qui exige le plus d’application, qui peut dire où est sa pensée pendant que ses yeux suivent l’aiguille, ou que son pied fait tourner le rouet ?]

Carmosine.

Que vous me charmez de parler ainsi !

La Reine.

C’est que je dis ce que je pense. C’est pour n’être pas obligé de les plaindre qu’on ne veut pas croire à nos chagrins. Ils sont réels, et d’autant plus profonds, que ce monde qui en rit nous force à les cacher ; notre résignation est une pudeur ; nous ne voulons pas qu’on touche à ce voile, nous aimons mieux nous y ensevelir ; de jour en jour on se fait à sa souffrance, on s’y livre, on s’y abandonne, on s’y dévoue, on l’aime, on aime la mort… Voilà pourquoi je voudrais tâcher d’en préserver ma jeune amie.

Carmosine.

Et vous songez à la marier ; est-ce que c’est Perillo qu’elle aime ?

La Reine.

Non, mon enfant, ce n’est pas lui ; mais s’il est tel qu’on me l’a dit, bon, brave, honnête (savant, peu importe), sa femme ne serait-elle pas heureuse ?

Carmosine.

Heureuse, si elle en aime un autre !

La Reine.

Vous ne répondez pas à ma question première. [Je