Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/428

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de temps à autre, au milieu de cette mélopée amoureuse, une note comique, indispensable au théâtre bien plus qu’à la lecture.

En examinant les débris du manuscrit autographe, j’y remarque que l’héroïne s’appelle Lise, pendant tout le premier acte, comme dans le récit de Boccace. Probablement, lorsqu’il eut imaginé la belle scène du second acte où Perillo entend le nom de sa maîtresse mêlé aux forfanteries de ser Vespasiano, Alfred de Musset aura pensé que ce nom n’avait pas assez d’originalité pour frapper l’oreille du spectateur et éveiller son attention, comme celle de Perillo. De même, lorsque Minuccio, seul avec le roi, lui confie le secret de la jeune malade, l’auteur aura senti qu’il fallait à cette jeune fille un nom plus pittoresque et moins vulgaire que celui de Lise. Peut-être aussi a-t-il compris, à mesure qu’il avançait dans son œuvre, que l’esquisse légère de Boccace allait devenir entre ses mains un type complet. Le nom un peu bizarre, mais sicilien, de Carmosine, qu’il substitua sur le manuscrit au nom de Lise, à partir du second acte, fut en quelque sorte une prise de possession.

Pour peu qu’on sache ce que c’est qu’une pièce de théâtre, on reconnaît que celle-ci a été écrite avec la pensée qu’elle serait représentée tôt ou tard. On ne voit point dans Carmosine de brusques changements de lieu ; les scènes s’enchaînent sans interruption. L’auteur a soin de prolonger le mystère qui règne sur tout le premier acte jusqu’au moment où cet acte va finir. Le procédé employé pour faire entendre à Perillo, de la bouche même de Carmosine, le mot cruel qui lui apprend qu’elle ne l’aime plus ; la scène du second acte où la sottise de ser Vespasiano donne le coup de grâce à ce pauvre amant déjà si malheureux ; l’habileté avec laquelle l’auteur rapproche Perillo de Carmosine au début du troisième acte ; ses précautions pour dissimuler jusqu’au dernier moment le dénoûment heureux, en montrant la mort de l’héroïne comme inévitable, tandis qu’au contraire il prépare sa guérison et son mariage ; enfin la grande scène entre Carmosine et la reine, qui semble conduire tout droit vers un but opposé