Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/126

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Dieu ne m’aime guère, Dieu ne m’aime guère. Je demeurais alors des heures sans parler. [— Toutes les femmes sont des libertins au fond du cœur, pensais-je, et je regardais autour de moi mes compagnons assis sur l’herbe. — Voilà donc ce que ma maîtresse avait dans le cœur en venant ici avec moi !]

Cette idée funeste, que la vérité, c’est la nudité, me revenait ainsi à propos de tout. — Le monde, me disais-je, appelle son fard vertu, son chapelet religion, son manteau traînant convenance. L’honneur et la morale sont ses femmes de chambre ; il boit dans son vin les larmes des pauvres d’esprit qui croient en lui ; il se promène les yeux baissés tant que le soleil est au ciel ; il va à l’église, au bal, aux assemblées ; et le soir arrive, il dénoue sa robe, et on aperçoit une bacchante nue avec deux pieds de bouc.

Mais, en parlant ainsi, je me faisais horreur à moi-même ; car je sentais que, si le corps était sous l’habit, le squelette était sous le corps. — Est-ce possible que ce soit là tout ? me demandais-je malgré moi. Puis je rentrais à la ville ; je rencontrais sur mon chemin une jolie fillette donnant le bras à sa mère ; je la suivais des yeux en soupirant, et je redevenais comme un enfant.

Quoique j’eusse pris avec mes amis des habitudes de tous les jours, et que nous eussions réglé notre désordre, je ne laissais pas d’aller dans le monde. La vue des femmes m’y causait un trouble insupportable ; je