Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/135

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peu dessiner, même un peu d’histoire et de grammaire, et ainsi de tout un peu. Que de fois j’ai regardé avec une compassion poignante cette triste ébauche de la nature, mutilée encore par la société ! que de fois j’ai suivi dans cette nuit profonde les pâles et vacillantes lueurs d’une étincelle souffrante et avortée ! que de fois j’ai tenté de rallumer quelques charbons éteints sous cette pauvre cendre ! Hélas ! ses longs cheveux avaient réellement la couleur de la cendre, et nous l’appelions Cendrillon.

Je n’étais pas assez riche pour lui donner des maîtres ; Desgenais, d’après mon conseil, s’intéressa à cette créature ; il lui fit apprendre de nouveau tout ce dont elle avait les éléments. Mais elle ne put jamais faire en rien un progrès sensible ; dès que son maître était parti, elle se croisait les bras et restait ainsi des heures entières, regardant à travers les carreaux. Quelles journées ! quelle misère ! Je la menaçai un jour, si elle ne travaillait pas, de la laisser sans argent ; elle se mit silencieusement à l’ouvrage, et j’appris, peu de temps après, qu’elle sortait à la dérobée. Où allait-elle ? Dieu le sait. Je la priai, avant qu’elle partît, de me broder une bourse ; j’ai conservé longtemps cette triste relique ; elle était accrochée dans ma chambre comme un des monuments les plus sombres de tout ce qui est ruine ici-bas.

Maintenant, en voici une autre.

Il était environ dix heures du soir, lorsqu’après une