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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/145

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souvins du souper de Pétrone, où les lampes s’éteignent autour des maîtres assoupis, tandis que des esclaves entrent sur la pointe du pied et volent l’argenterie. Au milieu de tout cela, les chansons allaient toujours, et trois Anglais, trois de ces figures mornes dont le continent est l’hôpital, continuèrent en dépit de tout la plus sinistre ballade qui soit sortie de leurs marais.

— Viens, dis-je à Marco, partons ! Elle se leva et prit mon bras. — À demain, me cria Desgenais ; et nous sortîmes de la salle.

En approchant du logis de Marco, mon cœur battait avec violence ; je ne pouvais parler. Je n’avais aucune idée d’une femme pareille ; elle n’éprouvait ni désir ni dégoût, et je ne savais que penser, de voir trembler ma main auprès de cet être immobile.

Sa chambre était comme elle, sombre et voluptueuse ; une lampe d’albâtre l’éclairait à demi. Les fauteuils, le sofa, étaient moelleux comme des lits, et je crois que tout y était fait de duvet et de soie. En y entrant, je fus frappé d’une forte odeur de pastilles turques, non pas de celles qu’on vend ici dans les rues, mais de celles de Constantinople, qui sont les plus nerveux et les plus dangereux des parfums. Elle sonna ; une fille de chambre entra. Elle passa avec elle dans son alcôve, sans me dire un mot, et quelques instants après je la vis couchée, appuyée sur son coude, toujours dans la posture nonchalante qui lui était habituelle.

J’étais debout et je la regardais. Chose étrange ! plus