Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/298

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Elle me montra avec répugnance une des lettres qu’elle tenait. Ses parents lui écrivaient que son départ la déshonorait à jamais, que personne n’en ignorait la cause, et qu’ils se croyaient obligés de lui déclarer par avance quels en seraient les résultats ; qu’elle vivait publiquement comme ma maîtresse, et que, bien qu’elle fût libre et veuve, elle avait encore à répondre du nom qu’elle portait ; que ni eux ni aucun de ses anciens amis ne la reverraient si elle persistait ; enfin, par toutes sortes de menaces et de conseils, ils l’engageaient à revenir au pays.

Le ton de cette lettre m’indigna, et je n’y vis d’abord qu’une injure. — Et ce jeune homme qui vous apporte ces remontrances, m’écriai-je, sans doute il s’est chargé de vous en faire de vive voix, et il n’y manque pas, n’est-il pas vrai ?

La profonde tristesse de Brigitte me fit réfléchir et calma ma colère. — Vous ferez, me dit-elle, ce que vous voudrez, et vous achèverez de me perdre. Aussi bien mon sort est entre vos mains, et il y a longtemps que vous en êtes le maître. Tirez telle vengeance qu’il vous plaira du dernier effort que mes vieux amis font pour me rappeler à la raison, au monde, que je respectais jadis, et à l’honneur, que j’ai perdu. Je n’ai pas un mot à dire, et, si vous voulez même me dicter ma réponse, je la ferai telle que vous le souhaiterez.

— Je ne souhaite rien, répondis-je, que de connaître vos intentions ; c’est à moi au contraire de m’y confor-