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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/309

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se passait, c’était toujours sans indiscrétion et de manière à faire comprendre qu’il eût souhaité de nous voir heureux ; s’il parlait de notre liaison, c’était pour ainsi dire avec respect, et comme un homme pour qui l’amour est un lien sacré devant Dieu ; enfin, c’était une sorte d’ami, et il m’inspirait une entière confiance.

Mais, malgré tout et en dépit de ses efforts mêmes, il était triste, et je ne pouvais vaincre d’étranges pensées qui me saisissaient. Les larmes que j’avais vu répandre à ce jeune homme, sa maladie arrivée précisément en même temps que celle de ma maîtresse, je ne sais quelle sympathie mélancolique qu’il me semblait découvrir entre eux, me troublaient et m’inquiétaient. Il n’y avait pas un mois que, sur de moindres soupçons, j’aurais eu des transports de jalousie ; mais maintenant, de quoi soupçonner Brigitte ? Quel que fût le secret qu’elle me cachait, n’allait-elle pas partir avec moi ? Quand bien même il eût été possible que Smith fût dans la confidence de quelque mystère que j’ignorais, de quelle nature pouvait être ce mystère ? Que pouvait-il y avoir de blâmable dans leur tristesse et dans leur amitié ? Elle l’avait connu enfant ; elle le revoyait après de longues années, au moment de quitter la France ; elle se trouvait dans une situation malheureuse, et le hasard voulait qu’il en fût instruit, qu’il eût servi même en quelque sorte d’instrument à sa mauvaise destinée. N’était-il pas tout naturel qu’ils échangeassent quelques tristes regards, que la vue de