Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/333

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qu’il me refuserait peut-être. Décidez-le à nous sacrifier six semaines de son temps. Nous voyagerons de compagnie, et un tour en Suisse avec nous lui fera retrouver avec plus de plaisir son cabinet et ses travaux.

Brigitte se joignit à moi, quoiqu’elle sût bien que cette invitation n’était qu’une plaisanterie. Smith ne pouvait s’absenter de Paris sans danger de perdre sa place, et il nous répondit, non sans regret, que cette raison l’empêchait d’accepter. Cependant, j’avais fait monter une bouteille de bon vin, et, tout en continuant de le presser, moitié en riant, moitié sérieusement, nous nous étions animés tous trois. Après dîner, je sortis un quart d’heure pour m’assurer que mes ordres étaient suivis ; puis, je rentrai d’un air joyeux, et, m’asseyant au piano, je proposai de faire de la musique. — Passons ici notre soirée, leur dis-je ; si vous m’en croyez, n’allons pas au spectacle ; je ne suis pas capable de vous aider, mais je le suis de vous entendre. Nous ferons jouer Smith s’il s’ennuie, et le temps passera plus vite qu’ailleurs.

Brigitte ne se fit pas prier, elle chanta de bonne grâce ; Smith l’accompagnait sur son violoncelle. On avait apporté de quoi faire du punch, et bientôt la flamme du rhum brûlant nous égaya de sa clarté. Le piano fut quitté pour la table ; on y revint ; nous prîmes des cartes ; tout se passa comme je voulais, et il ne fut question que de se divertir.

J’avais les yeux fixés sur la pendule, et j’attendais