Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/342

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rière insurmontable, que, par là, je rende impossible ce départ même que j’ai tant souhaité ; quoi qu’il puisse nous en coûter à vous et à moi, vous parlerez, ou je renonce à tout.

— Non ! non ! je ne parlerai pas.

— Vous parlerez. Croyez-vous par hasard que je sois dupe de vos mensonges ? Quand je vous vois, du soir au lendemain, plus différente de vous-même que le jour ne l’est de la nuit, croyez-vous donc que je m’y trompe ? Quand vous me donnez pour raison je ne sais quelles lettres qui ne valent seulement pas la peine qu’on les lise, vous imaginez-vous que je me contente du premier prétexte venu, parce qu’il vous plaît de n’en pas chercher d’autre ? Votre visage est-il de plâtre, pour qu’il soit si difficile d’y voir ce qui se passe dans votre cœur ? Quelle opinion avez-vous donc de moi ? Je ne m’abuse pas autant qu’on le pense, et prenez garde qu’à défaut de paroles, votre silence ne m’apprenne ce que vous cachez si obstinément.

— Que voulez-vous que je vous cache ?

— Ce que je veux ? vous me le demandez ? Est-ce pour me braver en face que vous me faites cette question ? Est-ce pour me pousser à bout et vous débarrasser de moi ? Oui, à coup sûr, l’orgueil offensé est là, qui attend que j’éclate. Si je m’expliquais franchement, vous auriez à votre service toute l’hypocrisie féminine ; vous attendez que je vous accuse, afin de me répondre qu’une femme comme vous ne descend pas à se justifier. Dans