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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/352

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Octave, et vous avez encore une longue vie à parcourir ; vous aurez d’autres maîtresses. Oui, comme vous dites, l’orgueil est peu de chose, et ce n’est pas lui qui me consolera ; mais Dieu veuille qu’une larme de vous me paie un jour de celles que vous me faites répandre en ce moment !

Elle se leva. — Faut-il donc le dire ? faut-il donc que vous le sachiez, que depuis six mois je ne me suis pas couchée un soir sans me répéter que tout était inutile et que vous ne guéririez jamais ; que je ne me suis pas levée un matin sans me dire qu’il fallait essayer encore ; que vous n’avez pas dit une parole que je ne sentisse que je devais vous quitter, et que vous ne m’avez pas fait une caresse que je ne sentisse que j’aimais mieux mourir ; que jour par jour, minute par minute, toujours entre la crainte et l’espoir, j’ai mille fois tenté de vaincre ou mon amour ou ma douleur ; que, dès que j’ouvrais mon cœur près de vous, vous jetiez un coup d’œil moqueur jusques au fond de mes entrailles, et que, dès que je le fermais, il me semblait y sentir un trésor que vous seul pouviez dépenser ? Vous raconterai-je ces faiblesses, et tous ces mystères qui semblent puérils à ceux qui ne les respectent pas ? que, lorsque vous me quittiez avec colère, je m’enfermais pour relire vos premières lettres ; qu’il y a une valse chérie que je n’ai jamais jouée en vain lorsque j’éprouvais trop vivement l’impatience de vous voir venir ? Ah ! malheureuse, que toutes ces larmes ignorées, que toutes ces folies si douces