Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pières. Descends dans cette terre humide, pauvre corps vacillant qui ne te soutiens plus. Quand tu y seras, on te croira peut-être, si le doute croit à la mort. Ô triste spectre ! sur quelle rive veux-tu donc errer et gémir ? quel est ce feu qui te dévore ? Tu fais des projets de voyage, toi qui as un pied dans le tombeau ! Meurs ! Dieu t’en est témoin, tu as voulu aimer ! Ah ! quelles richesses, quelles puissances d’amour on a éveillées dans ton cœur ! Ah ! quel rêve on t’a laissé faire, et de quels poisons on t’a tuée ! Quel mal avais-tu fait pour que l’on mît en toi cette fièvre ardente qui te brûle ? Quelle fureur l’anime donc, cette créature insensée, qui te pousse du pied dans le cercueil, tandis que ses lèvres te parlent d’amour ? Que deviendras-tu donc, si tu vis encore ? N’est-il pas temps ? n’en est-ce pas assez ? Quelle preuve de ta douleur donneras-tu pour qu’on y croie, quand toi, toi-même, pauvre preuve vivante, pauvre témoin, on ne te croit pas ? À quelle torture veux-tu te soumettre que tu n’aies pas déjà usée ? par quels tourments, quels sacrifices apaiseras-tu l’avide, l’insatiable amour ? Tu ne seras qu’un objet de risée ; tu chercheras en vain sur la terre une rue déserte où ceux qui passent ne te montrent pas au doigt. Tu perdras toute honte, et jusqu’à l’apparence de cette vertu fragile qui t’a été si chère ; et l’homme pour qui tu t’aviliras sera le premier à t’en punir. Il te reprochera de vivre pour lui seul, de braver le monde pour lui, et, tandis que tes propres amis murmureront autour de toi, il cherchera