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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/110

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était passionnée, folle peut-être, mais sincère et respectueuse. Il jeta le billet sur sa table et se promit de n’y plus penser.

De pareilles promesses ne se tiennent guère ; il n’y aurait peut-être plus pensé, en effet, si le billet, au lieu d’être sévère, eût été tendre ou seulement poli, car la soirée de la veille avait laissé dans l’âme du jeune homme une trace profonde. Mais la colère est contagieuse : Valentin commença par essuyer son rasoir sur le billet de la marquise ; puis il le déchira et le jeta à terre ; puis il brûla sa déclaration ; puis il s’habilla et se promena à grands pas par la chambre ; puis il demanda à déjeuner, et ne put ni boire ni manger ; puis enfin, il prit son chapeau, et s’en fut chez madame de Parnes.

On lui dit qu’elle était sortie ; voulant savoir si c’était vrai, il répondit : C’est bon, je le sais, et traversa lestement la cour. Le portier courait après lui, lorsqu’il rencontra la femme de chambre. Il aborda celle-ci, la prit à l’écart, et, sans autre préambule, lui mit un louis dans la main. Madame de Parnes était chez elle ; il fut convenu avec la servante que personne n’aurait vu Valentin, et qu’on l’aurait laissé passer par mégarde. Il entra là-dessus, traversa le salon, et trouva la marquise seule dans sa chambre à coucher.

Elle lui parut, s’il faut tout dire, beaucoup moins en colère que son billet. Elle lui fit pourtant, vous vous y attendez, des reproches de sa conduite, et lui de-