Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


IX


Quand Valentin, de retour au logis, se retrouva en face de sa causeuse, le secret qu’il venait d’apprendre produisit un effet inattendu. En pensant que madame Delaunay avait mis six semaines à faire ce coussin pour gagner deux louis, et que madame de Parnes l’avait acheté en se promenant, il éprouva un serrement de cœur étrange. La différence que la destinée avait mise entre ces deux femmes se montrait à lui, en ce moment, sous une forme si palpable, qu’il ne put s’empêcher de souffrir. L’idée que la marquise allait arriver, s’appuyer sur ce meuble, et traîner son bras nu sur la trace des larmes de la veuve, fut insupportable au jeune homme. Il prit le coussin et le mit dans une armoire. Qu’elle en pense ce qu’elle voudra, se dit-il, ce coussin me fait pitié, et je ne puis le laisser là.

Madame de Parnes arriva bientôt après, et s’étonna de ne pas voir son cadeau. Au lieu de chercher une excuse, Valentin répondit qu’il n’en voulait pas et qu’il ne s’en servirait jamais. Il prononça ces mots d’un ton brusque et sans réfléchir à ce qu’il faisait.

— Et pourquoi ? demanda la marquise.

— Parce qu’il me déplaît.