Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vraiment ? dit Gérard en riant ; mais j’avais peut-être raison, ajouta-t-il, car tu es d’un caractère constant, et c’est dangereux avec ces demoiselles.

Comme il parlait, sa maîtresse entra ; Bernerette ne se fit pas attendre, elle arriva parée de son mieux. On envoya chercher une voiture de remise, et, malgré un temps assez froid, on partit pour Montmorency. Le ciel était clair, le soleil brillait ; les jeunes gens fumaient, les deux dames chantaient ; au bout d’une lieue, elles étaient amies.

On fit une promenade à cheval ; lancé au galop dans les bois, Frédéric se sentait battre le cœur ; jamais il ne s’était trouvé si à l’aise : Bernerette était près de lui ; il voyait avec orgueil l’impression que produisait sur Gérard le charmant visage de la jeune fille animé par la course. Après un long détour dans la forêt, ils s’arrêtèrent sur une petite éminence où se trouvaient une maisonnette et un moulin. La meunière leur donna une bouteille de vin blanc, et ils s’assirent sur une bruyère.

— Nous aurions bien dû, dit Gérard, apporter quelques gâteaux ; la digestion se fait vite à cheval, et je me sens de l’appétit ; nous aurions fait un petit repas sur l’herbe avant de reprendre le chemin de l’auberge.

Bernerette tira de sa poche une talmouse qu’elle avait prise en passant à Saint-Denis, et l’offrit de si bonne grâce à Gérard, qu’il lui baisa la main pour la remercier.