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MARGOT




I


Dans une grande et gothique maison, rue du Perche au Marais, habitait, en 1804, une vieille dame connue et aimée de tout le quartier ; elle s’appelait madame Doradour. C’était une femme du temps passé, non pas de la cour, mais de la bonne bourgeoisie, riche, dévote, gaie et charitable. Elle menait une vie très retirée ; sa seule occupation était de faire l’aumône et de jouer au boston avec ses voisins. On dînait chez elle à deux heures, on soupait à neuf. Elle ne sortait guère que pour aller à l’église et faire quelquefois, en revenant, un tour à la place Royale. Bref, elle avait conservé les mœurs et à peu près le costume de son temps, ne se souciant que médiocrement du nôtre, lisant ses heures plutôt que les journaux, laissant le monde aller son train, et ne pensant qu’à mourir en paix.