Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/319

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son tricot en fredonnant un petit air, pour n’en pas entendre davantage.

Il fut reconnu tout à coup, après une si longue confiance, que mademoiselle Ursule trompait tout le monde, à commencer par sa maîtresse ; non seulement elle se faisait un revenu sur les dépenses qu’elle dirigeait, mais elle s’appropriait, par anticipation sur le testament, des hardes, du linge et jusqu’à des bijoux. Comme l’impunité l’enhardit, elle en était enfin venue jusqu’à dérober un écrin de diamants, dont, il est vrai, madame Doradour ne faisait aucun usage, mais qu’elle gardait avec respect dans un tiroir depuis un temps immémorial, en souvenir de ses appas perdus. Madame Doradour ne voulut point livrer aux tribunaux une femme qu’elle avait aimée ; elle se borna à la renvoyer de chez elle, et refusa de la voir une dernière fois ; mais elle se trouva subitement dans une solitude si cruelle, qu’elle versa les larmes les plus amères. Malgré sa piété, elle ne put s’empêcher de maudire l’instabilité des choses d’ici-bas, et les impitoyables caprices du hasard, qui ne respecte pas même une vieille et douce erreur.

Un de ses bons voisins, nommé M. Després, étant venu la voir pour la consoler, elle lui demanda conseil.

— Que vais-je devenir à présent ? lui dit-elle. Je ne puis vivre seule ; où trouverai-je une nouvelle amie ? Celle que je viens de perdre m’a été si chère et je m’y