Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/336

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sculptés lui parurent autant de bons génies qui l’invitaient à se mirer. Elle se promit bien de n’y pas manquer, et, bercée par les plus doux songes, elle s’endormit délicieusement.

On se lève de bonne heure aux champs ; notre petite campagnarde s’éveilla le lendemain avec les oiseaux. Elle se mit sur son séant, et, apercevant dans sa chère glace son joli minois chiffonné, elle s’honora d’un gracieux sourire. La femme de chambre reparut bientôt, et demanda respectueusement si mademoiselle voulait prendre un bain. En même temps, elle lui posa sur les épaules une robe de flanelle écarlate, qui parut à Margot la pourpre d’un roi.

La salle de bain de madame Doradour était un réduit plus mondain qu’il n’appartient à un bain de dévote ; elle avait été construite sous Louis XV. La baignoire, exhaussée sur une estrade, était placée dans un cintre de stuc encadré de roses dorées, et les inévitables amours foisonnaient autour du plafond. Sur le panneau opposé à l’estrade, on voyait une copie des Baigneuses de Boucher, copie faite peut-être par Boucher lui-même. Une guirlande de fleurs se jouait sur le lambris ; un tapis moelleux couvrait le parquet, et un rideau de soie, galamment retroussé, laissait pénétrer, à travers la persienne, un demi-jour mystérieux. Il va sans dire que tout ce luxe était un peu fané par le temps, et que les dorures avaient vieilli ; mais, par cette raison même, on s’y plaisait mieux, et on y sentait comme un reste