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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/354

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même : — Méchant garçon, murmura-t-elle, comme vous gaspillez sans le savoir !

Je demande grâce au lecteur pour les enfantillages que je lui raconte ; mais comment raconterais-je autre chose, mon héroïne étant un enfant ? Madame Doradour avait été invitée à dîner dans un château des environs. Elle y mena Gaston et Margot ; on se sépara fort tard, et il faisait nuit close quand on reprit le chemin de la maison. Margot et sa marraine occupaient le fond de la voiture ; Gaston, assis sur le devant, et n’ayant personne à côté de lui, s’était étendu sur le coussin, en sorte qu’il y était presque couché. Il faisait un beau clair de lune, mais l’intérieur de la voiture était fort sombre ; quelques rayons de lumière n’y pénétraient que par instants ; la conversation languissait ; un bon dîner, un peu de fatigue, l’obscurité, le balancement moelleux de la berline, tout invitait nos voyageurs au sommeil. Madame Doradour s’endormit la première, et, en s’endormant, elle posa son pied sur la banquette de devant, sans s’inquiéter si elle gênait Gaston. L’air était frais ; un épais manteau, jeté sur les genoux, enveloppait à la fois la marraine et la filleule. Margot, enfoncée dans son coin, ne bougeait pas, quoique bien éveillée ; mais elle était fort inquiète de savoir si Gaston dormait. Il lui semblait que, puisqu’elle avait les yeux ouverts, il devait les avoir aussi ; elle le regardait sans le voir, et elle se demandait s’il en faisait de même. Dès qu’un peu de clarté glissait dans la voi-