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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/359

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VI


Deux événements imprévus, dont l’un fut ridicule et l’autre sérieux, arrivèrent presque en même temps. Gaston était un matin dans l’avenue de la maison, essayant un cheval qu’il venait d’acheter, lorsqu’un petit garçon, à demi couvert de haillons et presque nu, vint à lui d’un air résolu et s’arrêta devant son cheval. C’était Pierrot, le gardeur de dindons. Gaston ne le reconnut pas, et, croyant qu’il lui demandait l’aumône, il lui jeta quelques sous dans son bonnet. Pierrot mit les sous dans sa poche, mais, au lieu de s’éloigner, il courut après le cavalier et se replaça devant lui quelques pas plus loin. Gaston lui cria deux ou trois fois de se garer, mais en vain ; Pierrot le suivait et l’arrêtait toujours.

— Que me veux-tu, petit drôle ? demanda le jeune homme ; as-tu juré de te faire écraser ?

— Monsieur, répondit Pierrot sans se déranger, je voudrais être domestique de monsieur.

— De qui ?

— De vous, monsieur.

— De moi ? Et à propos de quoi me fais-tu cette demande ?