Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/365

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que ces dames étaient des parentes ; mais on leur témoignait à la fois trop d’amitié et trop de politesse pour qu’il en fût ainsi. Madame Doradour, pendant la promenade, avait pris grand soin de faire remarquer à la mère jusqu’où s’étendaient les murs du parc ; elle lui avait parlé à l’oreille des produits et de la valeur de sa terre ; peut-être s’agissait-il de vendre la Honville, et, dans ce cas, que deviendrait la famille de Margot ? Un nouveau propriétaire conserverait-il les anciens fermiers ? Mais, d’une autre part, quel motif pouvait avoir madame Doradour pour vendre une maison où elle était née, où son fils paraissait se plaire, lorsqu’elle jouissait d’une si grande fortune ? Les étrangères venaient de Paris, elles en parlaient à tout propos, et ne semblaient pas d’humeur à vivre aux champs. Madame de Vercelles avait fait entendre à souper qu’elle approchait souvent l’impératrice, qu’elle l’accompagnait à la Malmaison, et qu’elle avait ses bonnes grâces. Peut-être était-il question de demander de l’avancement pour Gaston, et il devenait alors naturel qu’on fît de grandes flatteries à une dame en crédit. Telles étaient les conjectures de Margot ; mais, quelque effort qu’elle pût faire, son esprit n’en était pas satisfait, et son cœur l’empêchait de s’arrêter à la seule supposition vraisemblable qui eût été en même temps la seule vraie.

Deux domestiques avaient apporté à grand’peine une grosse caisse de bois dans l’appartement qu’occupait mademoiselle de Vercelles. Au moment où Margot sortit