Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/56

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Le lendemain, ils ne se virent pas ; lorsque Emmeline demanda si le comte était chez lui, on lui répondit qu’il était parti de grand matin, et qu’il ne rentrerait pas de la journée. Elle voulut l’attendre, et s’enferma à six heures du soir dans l’appartement de M. de Marsan ; mais le courage lui manqua, et elle fut obligée de retourner chez elle.

Le jour suivant, au déjeuner, le comte descendit en habit de cheval. Les domestiques commençaient à faire ses paquets, et le corridor était plein de hardes en désordre. Emmeline s’approcha de son mari en le voyant entrer, et il la baisa sur le front ; ils s’assirent en silence ; on déjeunait dans la chambre à coucher de la comtesse. En face d’elle était sa psyché ; elle croyait y voir son fantôme. Ses cheveux en désordre, son visage abattu, semblaient lui reprocher sa faute. Elle demanda au comte d’une voix mal assurée s’il comptait toujours quitter l’hôtel. Il répondit qu’il s’y disposait, et que son départ était fixé pour le lundi suivant.

— N’y a-t-il aucun moyen de retarder ce départ ? demanda-t-elle d’un ton suppliant.

— Ce qui est ne peut se changer, répliqua le comte ; avez-vous réfléchi à ce que vous comptez faire ?

— Que voulez-vous que je fasse ? dit-elle.

M. de Marsan ne répondit pas.

— Que voulez-vous ? répéta-t-elle ; quel moyen puis-je avoir de vous fléchir ? quelle expiation, quel