Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/69

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tesse le frappa plus que tout le reste ne l’avait pu faire, et en un quart d’heure il vit clair dans sa destinée.

On se préparait à danser le cotillon. — Asseyons-nous dans le cercle, dit Gilbert, nous nous dispenserons de figurer, et nous pourrons causer sans qu’on nous remarque. Elle y consentit ; ils prirent place, et continuèrent à parler d’Emmeline. Cependant de temps en temps un valseur forçait Sarah de prendre part à la figure, et il fallait se lever pour tenir le bout d’une écharpe ou le bouquet et l’éventail. Gilbert restait alors sur sa chaise, perdu dans ses pensées, regardant sa belle partenaire sauter et sourire, les yeux encore humides. Elle revenait, et ils reprenaient leur triste entretien. Ce fut au bruit de ces valses allemandes, qui avaient bercé les premiers jours de son amour, que Gilbert jura de partir et de l’oublier.

Lorsque l’heure de se retirer fut venue, ils se levèrent tous deux avec une sorte de solennité. — J’ai votre parole, dit la jeune fille, je compte sur vous pour sauver ma sœur ; et si vous partez, ajouta-t-elle en lui prenant la main sans songer qu’on pût l’observer, si vous partez, nous serons quelquefois deux à penser au pauvre voyageur.

Ils se quittèrent sur cette parole, et Gilbert partit le lendemain.

FIN D’EMMELINE.