Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/9

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courir tant de dangers ? Je ne me chargerai pas de vous l’expliquer.

Au milieu de ces folies, Emmeline était railleuse ; elle avait un oncle tout rond, avec un rire bête, excellent homme. Elle lui avait persuadé que de figure et d’esprit elle était tout son portrait, et cela avec des raisons à faire rire un mort. De là le digne oncle avait conçu pour sa nièce une tendresse sans bornes. Elle jouait avec lui comme avec un enfant, lui sautait au cou quand il arrivait, lui grimpait sur les épaules ; et jusqu’à quel âge ? c’est ce que je ne vous dirai pas non plus. Le plus grand amusement de la petite espiègle était de faire faire à ce personnage, assez grave du reste, des lectures à haute voix : c’était difficile, attendu qu’il trouvait que les livres n’avaient aucun sens, et cela s’expliquait par sa façon de ponctuer ; il respirait au milieu des phrases, n’ayant pour guide que la mesure de son souffle. Vous jugez quel galimatias, et l’enfant de rire à se pâmer. Je suis obligé d’ajouter qu’au théâtre elle en faisait autant pendant les tragédies, mais qu’elle trouvait quelquefois moyen d’être émue aux comédies les plus gaies.

Pardonnez, madame, ces détails puérils, qui, après tout, ne peignent qu’un enfant gâté. Il faut que vous compreniez qu’un pareil caractère devait plus tard agir à sa façon, et non à celle de tout le monde.

À seize ans, l’oncle en question, allant en Suisse, emmena Emmeline. À l’aspect des montagnes, on crut