Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/99

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c’est une formalité charitable ; tant mieux pour ceux qu’elle mène en paradis. Valentin se dit que la pruderie de la veuve promettait peut-être plus, au fond, que le laisser-aller de la marquise. Madame Delaunay, après tout, n’avait pas été bien rigide. Elle avait doucement retiré sa main, et s’en était allée repasser sa robe. En pensant à cette robe, Valentin pensa au petit bal : c’était le soir même ; il se promit d’y aller.

Tout en se promenant par la chambre, et tout en faisant sa toilette, son imagination s’exaltait. C’était la veuve qu’il allait voir, c’était à elle qu’il songeait. Il vit sur sa table un petit portefeuille assez laid, qu’il avait gagné dans une loterie. Sur la couverture de ce portefeuille était un méchant paysage à l’aquarelle, sous verre, et assez bien monté. Il remplaça adroitement ce paysage par le portrait de madame de Parnes ; je me trompe, je veux dire de madame Delaunay. Cela fait, il mit ce portefeuille en poche, se promettant de le tirer à propos et de le faire voir à sa future conquête. — Que dira-t-elle ? se demanda-t-il. Et que répondrai-je ? se demanda-t-il encore. Tout en ruminant entre ses dents quelques-unes de ces phrases préparées d’avance qu’on apprend par cœur et qu’on ne dit jamais, il lui vint l’idée beaucoup plus simple d’écrire une déclaration en forme, et de la donner à la veuve.

Le voilà écrivant ; quatre pages se remplissent. Tout le monde sait combien le cœur s’émeut durant ces instants où l’on cède à la tentation de fixer sur le papier