Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/107

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nommait la terre du chevalier) que pour déplorer le malheur arrivé à son gendre et à sa chère Cécile. Croyant faire preuve de sensibilité, elle s’apitoyait sans relâche sur le triste sort de cette pauvre enfant, et il lui échappa de dire un jour : — Mieux eût valu pour elle ne pas être née. — Qu’auriez-vous donc fait si j’étais ainsi ? répliqua Cécile presque avec l’accent de la colère.

L’oncle Giraud, le maître maçon, ne trouvait pas grand mal à ce que sa petite nièce fût muette : — J’ai eu, disait-il, une femme si bavarde, que je regarde toute chose au monde, n’importe laquelle, comme préférable. Cette petite-là est sûre d’avance de ne jamais tenir de mauvais propos, ni d’en écouter, de ne pas impatienter toute une maison en chantant de vieux airs d’opéra, qui sont tous pareils ; elle ne sera pas querelleuse, elle ne dira pas d’injures aux servantes, comme ma femme n’y manquait jamais ; elle ne s’éveillera pas si son mari tousse, ou bien s’il se lève plus tôt qu’elle pour surveiller ses ouvriers ; elle ne rêvera pas tout haut, elle sera discrète ; elle y verra clair, les sourds ont de bons yeux ; elle pourra régler un mémoire, quand elle ne ferait que compter sur ses doigts, et payer, si elle a de l’argent, mais sans chicaner, comme les propriétaires à propos de la moindre bâtisse ; elle saura d’elle-même une chose très bonne qui ne s’apprend d’ordinaire que difficilement, c’est qu’il vaut mieux faire que dire ; si elle a le cœur à sa place, on le