Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/119

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tude à l’homme comme la souffrance physique aux animaux.

Madame des Arcis fut d’abord tellement surprise, qu’elle ne répondit que par ces phrases banales qu’on a toujours sur les lèvres quand on ne peut pas dire ce qu’on pense : elle trouvait ce voyage tout simple ; le chevalier avait raison, elle reconnaissait l’importance de cette démarche, et ne s’y opposait en aucune façon. Tandis qu’elle parlait, la douleur lui serrait le cœur ; elle dit qu’elle se trouvait lasse, et s’assit sur un banc.

Là, elle resta plongée dans une rêverie profonde, les regards fixes, les mains pendantes. Madame des Arcis n’avait connu jusqu’alors ni grande joie ni grands plaisirs. Sans être une femme d’un esprit élevé, elle sentait assez fortement et elle était d’une famille assez commune pour avoir quelque peu souffert. Son mariage avait été pour elle un bonheur tout à fait imprévu, tout à fait nouveau ; un éclair avait brillé devant ses yeux au milieu de longues et froides journées, maintenant la nuit la saisissait.

Elle demeura longtemps pensive. Le chevalier détournait les yeux, et semblait impatient de rentrer à la maison. Il se levait et se rasseyait. Madame des Arcis se leva aussi enfin, prit le bras de son mari ; ils rentrèrent ensemble.

L’heure du dîner venue, madame des Arcis fit dire qu’elle se trouvait malade et qu’elle ne descendrait