Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/151

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tel récit eût été inutile et qu’il lui importait peu de savoir comment il avait fait pour venir chez elle, dès l’instant qu’il y était venu.

M. de Maubray, malgré l’espèce d’audace dont il avait fait preuve pour parvenir jusqu’à celle qu’il aimait, était, nous l’avons dit, simple et réservé. Après avoir salué Camille, il cherchait vainement de quelle façon lui demander si elle voulait de lui pour époux ; elle ne comprenait rien à ce qu’il tâchait de lui expliquer. Il vit sur la table la planchette où était écrit le nom de Camille. Il prit le morceau de craie, et, à côté de ce nom, il écrivit le sien : Pierre.

— Qu’est-ce que tout cela veut dire ? cria une grosse voix de basse taille ; qu’est-ce que c’est que des rendez-vous pareils ? Par où vous êtes-vous introduit ici, monsieur ? Que venez-vous faire dans cette maison ?

C’était l’oncle Giraud qui parlait ainsi, entrant en robe de chambre, d’un air furieux.

— Voilà une belle chose ! continua-t-il. Dieu sait que je dormais, et que, du moins, si vous avez fait du bruit, ce n’est pas avec votre langue. Qu’est-ce que c’est que des êtres pareils, qui ne trouvent rien de plus simple que de tout escalader ? Quelle est votre intention ? Abîmer une voiture, briser tout, faire du dégât, et après cela, quoi ? Déshonorer une famille ! Jeter l’opprobre et l’infamie sur d’honnêtes gens !…

Celui-là, non plus, ne m’entend pas encore, s’écria l’oncle Giraud désolé. Mais le marquis prit un crayon,