Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vérité est que Saint-Aubin est mort ; nous étions fort liés, vous le savez, et je désirerais garder ce bracelet où nos deux noms sont écrits ensemble.

— Bah ! quelle histoire vous me fabriquez là ! Saint-Aubin est mort ? Depuis quand ?

— Il est mort en Afrique, il y a peu de temps.

— Vrai ? Pauvre garçon ! je l’aimais bien aussi. C’était un gentil cœur, et je me souviens que dans le temps il m’appelait sa beauté rose. — Voilà ma beauté rose, disait-il. Je trouve ce nom-là très-joli. Vous rappelez-vous comme il était drôle un jour que nous étions à Ermenonville, et que nous avions tout cassé dans l’auberge ? Il ne restait seulement plus une assiette. Nous avions jeté les chaises par les fenêtres à travers les carreaux, et le matin, tout justement, voilà qu’il arrive une grande longue famille de bons provinciaux qui venaient visiter la nature. Il ne se trouvait plus une tasse pour leur servir leur café au lait.

— Tête de folle ! dit Tristan ; ne pouvez-vous, une fois par hasard, faire attention à ce qu’on vous dit ? Avez-vous mon bracelet, oui ou non ?

— Je n’en sais rien du tout, et je n’aime pas les propositions faites à bout portant.

— Mais vous avez, je le suppose, un coffre, un tiroir, un endroit quelconque à mettre vos bijoux ? Ouvrez-moi ce tiroir ou ce coffre ; je ne vous en demande pas davantage.

Javotte sembla un peu réfléchir, se rassit près de Tristan, et lui prit la main :