Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/229

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uniquement parce qu’ils se rencontrent : les passions sont en jeu, et tout peut s’excuser. Mais je ne te conseille pas ici, je te blâme. Si ton projet est sérieux, je n’hésite pas à te dire qu’en pareil cas je refuserais de servir de témoin à mon meilleur ami.

— Je ne te demande pas de m’en servir, mais de te taire ; allons chez Fossin.

— Allons où tu voudras, je n’en démordrai pas. Prendre en grippe un homme importun, cela arrive à tout le monde : le fuir ou s’en railler, passe encore ; mais vouloir le tuer, c’est horrible.

— Je te dis que je ne le tuerai pas ; je te le promets, je m’y engage. Un petit coup d’épée, voilà tout. Je veux mettre en écharpe le bras du cavalier servant de la marquise, en même temps que je lui offrirai humblement, à elle, le bracelet de ma grisette.

— Songe donc que cela est inutile. Si tu te bats pour laver ton honneur, qu’as-tu à faire du bracelet ? Si le bracelet te suffit, qu’as-tu à faire de cette querelle ? M’aimes-tu un peu ? cela ne sera pas.

— Je t’aime beaucoup, mais cela sera.

En parlant ainsi, les deux frères arrivèrent chez Fossin. Tristan, ne voulant pas que Javotte pût se repentir de son marché, choisit pour elle une jolie châtelaine qu’il fit envelopper avec soin, ayant dessein de la porter lui-même et d’attendre la réponse, s’il n’était pas reçu. Armand, ayant autre chose en tête et voyant son frère plus joyeux encore à l’idée de revenir prompte-